Chapitre 34 : L'intertextualité et la singularité
Introduction :
Tout auteur est d'abord un lecteur ; il écrit par référence à des textes antérieurs qui lui servent de modèles ou de contre-modèles.
I – De l'utilité des modèles ?
Pour interpréter correctement un texte, pour en saisir la singularité et l'originalité, il faut être capable de repérer les références et d'analyser la manière dont l'auteur a puisé à leur source. Il pourra s'agir de simples allusions aussi bien que de véritables pastiches, voire de parodies.
Les Anciens ne faisaient pas de la singularité ou de l'originalité une valeur ; bien au contraire, ils la condamnaient : un original, c'est un personnage un peu bizarre, un marginal. C'est la modernité qui voit en l'originalité une qualité, qu'il n'est peut-être pas nécessaire de cultiver à tout prix.
II – Les réécritures
L'étude des réécritures n'est possible que lorsqu'on compare différentes versions d'une même intrigue, d'un même événement, d'un même mythe. Il faut alors repérer ce qui est repris à l'identique, ce qui est transformé, ce qui est détourné, où se situe la marque personnelle de celui qui « réécrit ».
Ainsi, le mythe de Dom Juan traité par Molière dans une comédie diffère-t-il de celui traité par Baudelaire, c'est un dandy, contempteur de l'humanité qui le condamne parce qu'elle ne saisit pas sa grandeur.
De même, le mythe de Faust ne se comprend pas de la même manière selon que l'on se réfère au héros de Goethe ou à celui de ... Gertrud Stein. Goethe met en scène un savant insatisfait que cherche à aller jusqu'au bout de la connaissance et qui pour cela vend son âme au diable. Dans Faust ou la fête électrique, opéra écrit en 1937, Gertrud Stein présente en Faust l'inventeur de la lumière électrique qui nourrit le sentiment d'avoir été trompé : il met en doute l'existence même de son âme, rejette ce qui l'entoure et refuse sa destinée.
III – Le pastiche
C'est une œuvre littéraire ou artistique dans laquelle l'auteur a imité la manière, le style d'un maître. Le but relève avant tout la formation de l'artiste : il imite pour apprendre, pour s'approprier des techniques. Marcel Proust, qui est l'auteur de nombreux pastiches (de Balzac, de Flaubert, des Goncourt ...), expliquait que c'était pour lui un moyen de rentrer dans l'intimité d'un écrivain, moyen autrement plus efficace que de lire une biographie le concernant.
C'est sans doute la raison pour laquelle les exercices d'imitation on été réhabilités en « écriture d'invention ». La 1ère partie du travail consiste à repérer les procédés d'un auteur, la seconde à les reproduire.
IV – La parodie
C'est un ouvrage qui imite, qui contrefait de façon grotesque, en soulignant les procédés de manière caricaturale. Le but est souvent de se moquer du modèle que l'on se donne.
Cpdt, toute parodie rend nécessairement hommage car elle suppose que le public va identifier la référence : il faut donc que le modèle participe d'une culture commune à une génération. La parodie d'OSS 117 (Le Caire, nid d'espion) de Michel Hazanavicius avec Jean Dujardin touche tout particulièrement ceux qui ont connu la série de films d'espionnage des OSS (Furia à Bahia pour OSS 117, OSS 117 n'est pas mort, etc.) Cpdt, le modèle des James Bond, + pérenne, étant aussi visé, le film touche un public + jeune et + large.