Chapitre 31 : La structure d'un texte
Introduction :
On emploie différentes métaphores pour désigner la composition d'un texte : structure, mouvements, plan, dynamique, « architecture ».
Dans tous les cas, on a la volonté d'insister sur ce qui fait l'unité d'un texte, sur la manière dont les éléments sont articulés les uns aux autres, entrent en résonance les uns par rapport aux autres.
I – Tout est structuré
La structure touche autant les grands ensembles (roman, pièce de théâtre ...) que des passages de moindre dimension, qu'il s'agisse d'extraits ou de textes à part entière.
Il existe les structures récurrentes suivantes, qu'il peut être aisé de reconnaître.
II – Le mouvement binaire
Il s'agit d'une composition en 2 parties qui se « balancent ». Les Anciens avaient l'habitude de structurer la réflexion en 2 moments, dont le 1er commençait par non seulement et le 2ndpar mais aussi.
L'arc de la « dispute » (disputatio) repose sur un tel balancement. 2 parties s'opposent, se confrontent ; elles ne sont pas définitivement renvoyées l'une à l'autre car, contrairement à ce que la métaphore architecturale laisse entendre, elles ne sont pas simplement mises en pendant : elles se suivent et leur succession donne un poids supplémentaire à la seconde. Le récit de Balzac Une double famille est ainsi composé sur une mise en parallèle et une opposition : l'écrivain compare le comportement amoureux de 2 femmes, l'une frigide et dévote, l'autre sensuelle et débauchée.
III – Le mouvement ternaire
Au niveau d'une phrase, le mouvement ternaire donne une impression de circularité, de retour en arrière. Cette impression est provoquée en quelque sorte par le « retour du balancier ».
Le plan en 3 parties, sur le modèle célèbre du « thèse-anti-thèse-synthèse », qu'il ne faut pas transformer en « oui/non/ni-oui ni non », risque de donner cette impression de circularité.
Cependant, la synthèse vise à dépasser les oppositions, à chercher ailleurs une autre manière d'aborder et de résoudre un problème.
Ainsi utilise-t-on parfois la métaphore de la spirale, dont l'étude des stances de Rodrigue dans Le Cid donne un bon ex. Le personnage est en proie à un dilemme qui l'empêche d'agir parce qu'il met sur un pied d'égalité 2 lois qui lui semblent tout aussi importantes : la nécessité de venger son père, et le devoir de ne pas offenser Chimène, qu'il aime.
C'est la capacité de « hiérarchiser », de préciser la valeur de ces lois l'une par rapport à l'autre qui lui permet de sortir de l'impasse.
La 1ère stance s'achève par les vers suivants :
« Ô Dieu, l'étrange peine !
En cet affront mon père est l'offensé,
Et l'offenseur le père de Chumène ! »
Le dernier se clôt ainsi :
« Je m'accuse déjà de trop de négligence ;
Courons à la vengeance ;
Et tout honteux d'avoir tant balancé,
Ne soyons plus en peine,
Puisqu'aujourd'hui mon père est l'offensé,
Si l'offenseur est père de Chimène. »
« Puisque » introduit une proposition subordonnée de cause, « si » est l'équivalent de « même si » et introduit une proposition concessive : il n'y a plus simple opposition binaire, il y a hiérarchisation. On peut donc parler de « spirale » : le texte revient sur la double proposition initiale, mais réussit à la dépasser.
IV – La mise en abyme
Le procédé de mise en abyme consiste à intégrer au c½ur de son discours un discours analogue qui permet de répéter ce que l'on cherche à montrer ; ex : l'image de « La Vache qui rit », dont la boucle d'oreille est elle-même une boîte de « Vache qui rit ».
L'art du récit dans le récit est fréquent dans la fable. Chez La Fontaine, « Le Pouvoir des fables » raconte les déboires d'un orateur qui ne réussit pas à convaincre ses concitoyens de partir en guerre pour défendre la nation, et qui doit passer par un procédé de séduction, le récit d'une fable, pour emporter leur adhésion (procédé courant chez les baroques).