Chapitre 28 : L'énonciation
Introduction :
L'énonciation se définit comme l'acte de production d'un énoncé par un locuteur précis, qui s'adresse à un interlocuteur particulier dans des conditions spatio-temporelles données.
I – La situation d'énonciation
Un même énoncé n'aura pas le même sens selon qu'il est prononcé par 2 pers différentes : une blague belge n'a pas la même valeur lorsqu'elle est racontée par un Français que par un Belge. Un discours pacifiste n'a pas le même sens lorsqu'il est prononcé en période de paix que lorsque le contexte est celui d'un conflit précis.
Il est donc toujours nécessaire de préciser les caractéristiques de l'énonciateur, celles du destinataire (important pour une lettre), le lieu et l'époque où se situent les interlocuteurs : c'est ce qu'on appelle étudier la situation d'énonciation.
La littérature comporte de nombreuses situations de double énonciation, ce que l'on schématise ainsi :
énoncé
personnage A ----------------> personnage B
auteur ------------------------> spectateur ou lecteur
C'est le cas au théâtre, ou dans les romans épistolaires qui présentent des lettres de perso, rédigées par un auteur pour les lecteurs.
Il est souvent nécessaire de repérer l'énonciateur, qui peut s'afficher (on note alors la récurrence du je) ou au contraire se faire + ou – discret. Il convient alors d'étudier les modalités et les formulations impersonnelles.
II – Les modalités
Les modalités concernent la phrase ; on peut les définir comme la manière dont le locuteur intervient intellectuellement ou affectivement sur ce qu'il dit.
On distingue les modalités suivantes :
→ Modalité affirmative/assertive/déclarative : il viendra → j'affirme qu'il viendra.
→ Modalité interrogative : viendra-t-il ? → je me demande s'il viendra.
→ Modalité injonctive/volitive/impérative : qu'il vienne → j'ordonne qu'il vienne.
→ Modalité exclamative : elle laisse transparaître les réactions que provoque ce qu'on est en train de dire : colère, admiration, étonnement ... Lui, venir ! → je me réjouis/ je me désole, je m'étonne ... qu'il vienne.
La présence de telle ou telle modalité dans un discours est un indice de la psychologie de l'énonciateur :
- La multiplication des assertions est la marque d'une assurance, d'une forme de présomption.
- L'usage de la modalité interrogative montre qu'on doute ; cette attitude est valorisante lorsqu'elle est la preuve d'une réflexion, mais elle peut être considérée comme une incapacité de trancher.
- L'usage de la modalité injonctive révèle un caractère impérieux.
- L'usage de la modalité exclamative souligne la part affective : c'est souvent le signe de la jeunesse, ou la caractéristique des personnes qui ont du mal à se contrôler.
- Enfin, la multiplication de phrases négatives porte la trace d'une tendance au scepticisme.
III – Les modalisateurs
Les modalisateurs sont les marques de la nuance dans le discours ; ils atténuent la dimension assertive par l'emploi :
- de verbes marquant l'incertitude (il semble, il paraît ...)
- d'adverbes exprimant le doute (peut-être, sans doute ...)
- du conditionnel (« L'écriture aurait été inventée par les Égyptiens »).
IV – Les formulations impersonnelles
Le on : le pronom personnel indéfini est un équivalent de « l'homme en général ».
Le nous de modestie : il invite le lecteur à s'accompagner l'énonciateur dans son cheminement intellectuel.
Les tournures impersonnelles : il s'agit des tournures qui expriment une action sans l'attribuer à un sujet déterminé (il semble, il paraît, il s'avère ...). Ce type de formulation a l'intérêt de laisser entendre que le propos tenu ne relève pas de l'opinion personnelle, il a l'évidence de ce qui est.
La voie passive : cette formulation efface celui qui commet l'action et met en avant celui qui la subit.