Séquence 2 : L'histoire littéraire et culturelle
Chapitre 22 : Le réalisme et le naturalisme
Introduction :
On peut les définir de 2 façons différentes : du point de vue de l'histoire littéraire et culturelle, c'est un courant du XIXe siècle qu'on peut lier à la naissance de la sociologie ; d'un point de vue + large, c'est une manière d'aborder l'art dans sa relation au réel : ancrage dans la réalité et volonté d'en rendre compte.
I – Le réalisme
A – Un travail de sociologue
Les réalistes se sont donnée pour tâche de rendre compte du réel tel qu'il est. Balzac se voulait ainsi le « Secrétaire des m½urs de son temps », et affichait l'ambitieux programme de « faire concurrence à l'État-Civil » en présentant tous les types humains qui composent la société de la Restauration et de la monarchie de Juillet. Il concevait alors le projet inachevé de la Comédie humaine, qui décrit l'ensemble des groupes sociaux de la 1ère partie du siècle.
Si la description est essentielle à l'esthétique réaliste, c'est qu'elle est le moyen d'établir des portraits tant physiques que psychologiques, c'est que le rôle de l'écrivain est de se faire « l'archéologue du mobilier social » (Avant-propos de la Comédie humaine, 1842). Mais la description des lieux se justifie aussi par l'émergence de la « théorie des milieux », qui met en évidence l'influence du milieu et du cadre de vie sur les personnages, influence qui explique les comportements et dirige l'élaboration des intrigues.
B – L'effet de réel
Dans la préface de Pierre et Jean, en 1888, Maupassant revient sur ce qui définit l'esthétique réaliste et corrige une perception erronée. Ce qui compte avant tout, c'est l'« effet de réel » : « raconter tout serait impossible, car il faudrait alors un volume au moins par journée [...]. Faire vrai consiste donc à donner l'illusion complète du vrai, suivant la logique ordinaire des faits, et non à les transcrire servilement dans le pêle-mêle de leur succession. »
II – Le naturalisme
A – un modèle : les sciences naturelles
Le courant naturaliste a son heure de gloire à la fin du XIXe siècle, avec des auteurs comme les frères Goncourt, Zola ou Maupassant. Il n'hésite pas à reconnaître ce qu'il doit à Balzac, qui sert autant de modèle que de repoussoir. Ainsi Zola écrit-il dans ses « Notes préparatoires aux Rougon-Macquart » ! « j'échapperai ainsi à l'imitation de Balzac qui a tout un monde dans ses livres – Mes livres seront de simples procès-verbaux. »
Le naturalisme tient son nom du modèle qu'il se donne : les sciences naturelles, qui ont vocation à observer la nature, établir des classifications, analyser l'influence du milieu sur les comportements, élucider les phénomènes liés à l'hérédité. Zola choisit pour sous-titre à sa grande saga des Rougon-Macquart : Histoire naturelle et sociale d'une famille sous le second Empire. En 1880, il publie Le Roman expérimental, dans lequel il explique sa conception de la littérature et fait clairement référence à L'Introduction à l'étude de la médecine expérimentale, de Claude Bernard.
B – Un thème de prédilection : le peuple
Alors que les réalistes couvrent le champ de la société française dans son ensemble, les naturalistes vont tout particulièrement s'intéresser au peuple, aux basses classes, dont ils décrivent les souffrances, les passions, mais aussi le langage. Zola n'hésite pas à donner la parole à des personnages dont ni la syntaxe, ni le vocabulaire ne correspondent aux canons académiques. Sa volonté d'objectivité, de transparence, trouve forme dans l'emploi du discours indirect libre (cf chapitre 29).
Réalistes et naturalistes donnent leurs lettres de noblesse au roman, genre jusqu'alors déprécié, considéré comme de la littérature féminine. En faisant ½uvre d'historiens, de sociologues, et grâce à une abondante documentation, ces romanciers deviennent des hommes de science : pour Balzac, le modèle était l'archéologue, pour Zola, le modèle est le savant.
Quelques dates à retenir :
1833 : Balzac, Eugénie Grandet.
1835 : Balzac, Le Père Goriot.
1837 : Dickens, Olivers Twist.
1857 : Flaubert, Madame Bovary.
1877 : Zola, L'Assomoir.
1880 : Zola, Le Roman expérimental.