Séquence 2 : L'histoire littéraire et culturelle
Chapitre 18 : Le baroque
Introduction :
Le baroque est un mouvement européen particulièrement difficile à définir. D'abord parce qu'il ne s'agit pas à proprement parler d'une école, ensuite parce que ses caractéristiques et sa délimitation temporelle varient d'un pays à l'autre, enfin parce qu'il se comprend surtout par référence au classicisme.
I – Bizarre, étrange, grotesque ...
Étymologiquement, le mot vient du portugais barroco, lui-même issu du latin verrucus (« verrue ») : il sert à désigner en joaillerie une irrégularité de la perle. Il qualifie donc un défaut, une imperfection, et est employé péjorativement. Le Nouveau Larousse illustré en fait, à la fin du XIXe siècle, un synonyme de « bizarre, étrange, choquant ». Le style baroque s'oppose au style classique, qui se caractérise par sa pureté, sa perfection, son harmonie.
Les 1er à reconnaître des qualités aux écrivains français qui ont dérogé à l'ordre classique (tels Scarron, Saint-Amant ou Malherbe) seront des poètes : Théophile Gautier qui, en 1844, les désigne du nom de « Grotesques », et Charles Baudelaire. Ce n'est véritablement qu'au XXe siècle, après la Seconde Guerre mondiale, qu'on découvre en France la valeur de ce style.
II – Une vision pessimiste du monde
La pensée baroque est hantée par l'idée que tout n'est qu'illusion, vanité, que rien n'est stable ou solide. En France, cette inquiétude existentielle est sans doute liée à la perte des certitudes que provoquent les guerres de Religions, et que l'on ressent déjà chez Montaigne. Ainsi l'auteur des Essais écrit-il : « Je ne peins pas l'être, je peins le passage ; non pas un passage d'âge en un autre [...], mais de jour en jour, de minute en minute » (Du repentir, Essais, III, 2).
On comprend bien que cette vision du monde ne pouvait convenir à Louis XIV, qui refusa pour le Louvre les projets du Bernin, l'architecte italien que l'on considère comme l'un des maîtres du baroque.
Esthétiquement, la précarité prend forme dans un mouvement incessant, dans l'emploi d'images privilégiées qui mettent l'accent sur la métamorphose ; ainsi peut-on considérer la magicienne Circé, qui transforma les compagnons d'Ulysse en cochons, comme la figure de proue du style baroque.
Les thèmes du masque et du théâtre sont donc récurrents, que ce soit chez les poètes, comme Jean de Sponde, ou surtout chez les dramaturges, comme Shakespeare ou Corneille, qui procèdent à des mises en abyme : Hamlet fait jouer une pièce de théâtre « La Souricière) pour démasquer les hypocrites assassins de son père ; L'Illusion comique propose un spectacle dans le spectacle, opéré par la grâce d'un magicien. Quand à l'Espagnol Calderon, il considère que « le monde n'est qu'un grand théâtre ».
III – Vanité des vanités ...
En peinture, en sculpture et en architecture, le mouvement incessant trouve une forme de prédilection dans la volute et la spirale. Les trompe-l'½il et les jeux de miroirs font par ailleurs perdre tout repère et soulignent que « tout est illusion », « vanité des vanités » comme aurait dit Bossuet.
Le thème de la vanité est déterminant au point qu'il existe un genre pictural qui porte ce nom. Il renvoie aux tableaux dont la vocation est de rappeler à l'homme qu'il est mortel et que toutes ses activités sont insignifiantes. Sont ainsi généralement représentés des symboles des activités de l'homme (musique, jeux, lecture ...), menacées par la mort, elle-même figurée par une tête de mort, un sablier, une bougie qui fume ...
Quelques dates à retenir :
1570-1588 : Montaigne, Essais.
1600 : Shakespeare, Hamlet.
1636 : Corneille, L'Illusion comique.
1645: Calderon, La vie est un songe.
1644 : le Bernin, L'Extase de sainte Thérèse.