Séquence 1 : Les genres littéraires
Chapitre 3 : Les personnages de roman
Introduction :
Fictifs ou historiques, les personnages sont une des composantes essentielles du roman. Leur destin suscite l'intérêt du lecteur qui peut s'identifier à eux. Il arrive souvent, même, que le nom d'un personnage serve de titre au roman, on parle alors de personnage éponyme (Emma Bovary, pour Madame Bovary de Flaubert, Eugénie Grandet pour Eugénie Grandet de Balzac).
I – L'émergence des individus
Historiquement, la naissance du roman est liée à l'émergence de l'individu dans la société. Le romancier met en évidence la particularité de certains destins dont il suit le parcours exceptionnel. Ainsi confond-on souvent le personnage principal et le « héros » qui attire la sympathie du lecteur. Le phénomène est particulièrement sensible dans le roman de formation qui met en scène un jeune homme (plus rarement une jeune fille) qui affronte les premières épreuves de la vie, et, dans la majorité des cas les surmonte, mais pour perdre ses illusions sur le monde : on prend toujours l'ex. d'Eugène de Rastignac, le héros du Père Goriot (il accompagne le vieux Goriot pendant sont agonie), qui découvre à quel point la société est régie par des règles sordides et qui perd, à la mort de son amin ses « dernières larmes de jeune homme ».
Parallèlement, le roman produit sa propre parodie et de nombreux romans « comiques » présentent des « anti-héros », personnages plus ou moins burlesques, dont le destin se joue et qu'on ne voit quasiment pas évoluer au cours du récit. C'est par ex. le cas dans Jacques le fataliste, tombé amoureux parce qu'il a ... reçu une balle dans le genou.
Au XXe siècle, la crise du personnage s'accentue de 2 façons :
- le Nouveau roman déconstruit le personnage et lui refuse toute véritable existence. Malome meurt de Beckett (1951) commence ainsi : « Je serai quand même bientôt tout à fait mort enfin. [...] On va pouvoir m'enterrer, on ne me verra plus à la surface. D'ici là je vais me raconter des histoires si je peux. Ce ne sera pas le même genre d'histoires qu'autrefois, c'est tout. Ce seront des histoires ni belles ni vilaines, calmes, il n'y aura plus en elles ni laideur, ni beauté, ni fièvre, elles seront presque sans vie, comme l'artiste. »
- le roman contemporain continue de raconter des vies, mais il insiste sur l'idée que le personnage de roman n'est qu'un homme comme tout le monde, un « vous et moi » dans lequel on se reconnaît aisément.
II – Un personnage inscrit dans un milieu
Le romancier ne fait pas que raconter, il explique les faits et gestes de ses personnages par les influences qu'ils subissent :
Influences familiales : Zola dans les Rougon-Macquart fait valoir les lois de l'hérédité.
Influences sociales : Flaubert explique les aspirations d'Emma Bovary par la mesquinerie de la vie dans une petite bourgade de province.
Influences du milieu géographique : dans le Médecin de campagne, Balzac s'inquiète du crétinisme provoqué par la vie sur certains versants des montagnes ...
III – Une histoire de psychologie
Mais aussi et surtout, le romancier pénètre les consciences et explique leurs réactions les plus secrètes. Le premier roman moderne, qui fonde les principes de l'analyse psychologique, La Princesse de Clèves de Madame de La Fayette (1678), s'immisce dans les replis d'une conscience inquiète qui fait preuve de mauvaise foi avec elle-même et tente de se tromper sur ses désirs amoureux.
Interrogé sur la « nécessaire dimension psychologique du roman », l'écrivain contemporain Milan Kundera répond ainsi : « [...] tous les romans de touts les temps se penchent sur l'énigme du moi. Dès que vous créez un être imaginaire, un personnage, vous êtes automatiquement confronté à la question : qu'est-ce que le moi ? Par quoi le moi peut-il être saisi ? C'est une de ces questions fondamentales sur lesquelles le roman en tant que tel est fondé. »