Séquence 1 : Les genres littéraires
Chapitre 2 : Le roman
Introduction :
Écrire un roman, c'est d'abord écrire en roman, et non en latin. Cela ne fait pas une définition. De ce fait, le roman est un genre tout autant informe que protéiforme. Œuvre de fiction, il est parfois, voire souvent, historique et réaliste. Somme toute, le roman sert à raconter des histoires souvent fictives, parfois véridiques, qui distraient ou qui édifient. Il se décline en de nombreux sous genres (policier, science-fiction, roman à l'eau de rose ...).
I – Des théories
Les théories portant sur le roman sont nombreuses car le genre domine l'ensemble de la production contemporaine : les uns mettent l'accent sur le fait qu'il représente la réalité, les autres sur sa dimension polyphonique (on y lit les discours, et surtout les pensées – souvent secrètes – de nombreux personnages). Aucune, cependant, n'est pleinement satisfaisante. Ainsi Raymond Queneau, dans Technique du roman (1937), peut-il conclure : « [...] le roman, depuis qu'il existe, a échappé à toute loi. N'importe qui peut pousser devant lui comme un troupeau d'oies un nombre indéterminé de personnages apparemment réels à travers une lande longue d'un nombre indéterminé de pages ou de chapitres. Le résultat, quel qu'il soit, sera toujours un roman. »
II – Une histoire
Le roman naît, en France, au XIIe siècle avec le cycle de la Table Ronde de Chértien de Troyes. Il se développe surtout au XVIIe siècle où il vise un public féminin auquel il raconte les affres de l'amour. On le parodie, et il se charge de toute une satire sociale (cf. le Roman comique de Scarron).
Avec La Princesse de Clèves de Madame de La Fayette (1678), s'ouvre une période qui voue le roman à l'analyse psychologique.
Le roman acquiert ses lettres de noblesses au XIXe siècle grâce à des écrivains soucieux de faire œuvre historique, voire scientifique, tel Balzac qui se veut « l'archéologue » de son temps, ou Zola qui prend pour modèle les sciences naturelles. On privilégie alors le « roman de formation » qui raconte le progressif désenchantement d'un jeune homme rempli d'illusions et d'ambitions (Illusions perdues de Balzac, Bel ami de Maupassant ...)
Au XXe siècle, le genre domine en se diversifiant : roman noir, policier, science-fiction ... On le remet en question, on s'aventure sur de nouvelles voies (d'Ulysse de Joyce au Nouveau roman de Butor ou de Robbe-Grillet). À la fin du siècle, on emploie de moins en moins souvent le mot « roman », on lui préfère celui plus vague encore de « récit ».
III – De l'importance de la composition
Un roman rend très souvent compte d'une durée : le temps d'une journée (Mrs Dalloway de Virginia Woolf), le temps d'une crise (La Princesse de Clèves de Madame de La Fayette), le temps d'une vie entière ( À la recherche du temps perdu de Marcel Proust) ...
Il s'agit alors de jouer entre des instants fugaces, dont l'écriture doit saisir tant la brièveté que l'intensité, et des périodes plus ou moins longues, ou la vie semble se répéter : il est souvent fort révélateur de mettre en regard la durée réelle et le nombre de pages qui lui sont consacrées.
Les descriptions ralentissent souvent le rythme du récit, alors que les dialogues, qui favorisent les confrontations, peuvent, au contraire, l'accélérer . L'auteur ne peut, quel que soit son souci d'exhaustivité, présenter tous les faits, il est obligé de choisir, de passer sous silence certains éléments.
Par ailleurs, il peut organiser son œuvre selon l'ordre chronologique, ou selon une autre logique qui pourra consister à souligner les causes et les effets, les contradictions, ou encore les parallélismes (on pet par ex. raconter des « vies parallèles ») .
Un auteur peut mettre en évidence ce qui structure son récit, il en souligne ainsi la cohérence ; il peut aussi procéder par montage, par collage, et laisser au lecteur le soin de reconstituer les relations entre les différents éléments du récit. Pour Georges Perec, par ex., qui présente dans La Vie mode d'emploi, roman (1978), le destin de plusieurs personnages, le lecteur est mis face à un puzzle dont il doit assembler les morceaux.