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Création : 13/02/2012 à 10:36 Mise à jour : 30/07/2017 à 02:39

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Le théâtre

Le Théâtre
 
 
Le Jeu de l'amour et du hasard, une comédie des apparences
 
I- L'auteur : Marivaux (1688-1763)
 
Indigent = pauvre
Essai = texte argumentatif qui n'est pas fictif
 
Marivaux est un provinciale qui vient s'installer à Paris en 1712. Très vite il participe à la vie littéraire et signe des articles de journaux dans le "Mercure galant" qui est un hebdomadaire qui rend compte de la vie mondaine (de la haute société) et artistique. Marivaux s'engage dans les débats littéraires de l'époque notamment dans la querelle des anciens et des modernes qui agitent les milieux intellectuels depuis un demi siècle, il se range dans le camp des modernes, qui refusent de choisir comme seul modèle de référence et d'inspiration la perfection des œuvres de l'antiquité. Marivaux est à la fois journaliste et romancier, mais aussi dramaturge et essayiste (qui écrit des essais), il est donc ce qu'on appel un polygraphe, c'est à dire qu'il écrit dans différents genres littéraires et sur toutes sortes de sujets. Il a une activité importante en tant que journaliste et il créer périodiques (journaux paraissant de manière régulière) :  "Le Spectateur français", "l'Indigent philosophe", "Le Cabinet du philosophe". Dans ses articles, il note ses observations sur  la vie contemporaine, développe ses idées morales ou esthétiques. Il est aussi romancier et ses deux œuvres principales sont La Vie de Marianne et Le Paysan parvenu, ce sont des roman d'apprentissage qui nous font suivre le cheminement psychologique d'un individu et sa progressive élévation dans la société. Mais Marivaux est avant tout un grand auteur de comédie théâtrale. C'est un créateur original qui est relativement peut influencer par la tradition venu de Molière. En effet, Marivaux s'inspire surtout du théâtre italien qu'on appel la comedia dell 'arte (tradition italienne basée sur le mime). L'oeuvre de Marivaux est d'abord le fruit d'une collaboration régulière et durable avec la troupe des comédiens italiens qui viennent se réinstaller en France en 1716. Le théâtre italien est une troupe de comédiens/d'acteurs qui mélangent sur scène le français et l'italien. Leur spécialité est de laisser une grande liberté aux acteurs qui improvisent à partir d'un simple canevas (résumé d'une intrigue).
 
 
comedia dell'arte
 
 
 
II- Contexte de la pièce
 
La pièce est une comédie en prose et en 3 actes. Elle est représentée pour la première fois en Janvier 1730 et elle est reprise 14 fois consécutive Ce qui, à l'époque, montre que c'est un succès, d'autant plus que l'année précédente (1729), Marivaux avait connu un échec avec "La Nouvelle colonie"  qui n'a été joué qu'une fois.
Le thème de la pièce a déjà été largement exploité par la comédie italienne. C'est un thème particulièrement en vogue (à la mode) au XVIIIe siècle, notamment dans le théâtre de foire (ou théâtre de rue). Le but de Marivaux est de faire oublier son échec de l'année passée pour séduire le public. Cependant Marivaux n'a pas renoncé à ses thèmes favoris, notamment la défense des femmes qu'il a mis en avant dans sa précédente comédie "La Nouvelle colonie".
 
III- La structure de l'oeuvre
 
Un des intérêts majeur de la pièce réside dans sa structure. L'intrigue de départ est simple : Silvia veut connaître avant de l'épouser le jeune homme que son père lui propose comme futur époux. Elle décide alors avec l'accord de son père de se travestir pour pouvoir examiner celui qu'on lui destine sans que celui-ci la connaisse. Elle échange donc pour un moment sa place avec celle de sa servante, Lisette. Or il se trouve que Dorante, celui qui doit épouser Silvia, a eu la même idée. Silvia et Dorante se rencontre donc sous les vêtements de leur valets, tandis qu'Arlequin et Lisette se courtisent sous les habits de leur maîtres. Les deux couples vont évoluer sous le regard de monsieur Orgon et de Mario, le père et le frère de Silvia.
 
Acte I : Il fait intervenir tout les personnages et met en place le double travestissement. Il comprend 10 scènes.
 
Acte II : Il est le plus long (13 scènes), comme souvent chez Marivaux. Après de nombreuses péripéties, Silvia apprend de la bouche même de Dorante sa véritable identité.
 
Acte III : Il comprend 9 scènes au cour desquelles le jeu se poursuite et se termine. Arlequin épousera Lisette et Dorante Silvia.
 
 
Certains contemporains de Marivaux ont critiqué l'existence de ce troisième acte qu'ils jugeaient artificiel et superflu. Mais il y a un impact primordial dans la pièce, c'est le jeu de Silvia qui veut que Dorante l'épouse uniquement par amour et sans considération aucune pour son rang ou sa naissance. Mais aussi jeu pour Marivaux qui indique aux spectateurs que l'intérêt de sa pièce est a chercher du côté de l'esthétique plutôt que du côté de l'intrigue amoureuse. En effet, avec ce troisième acte, Marivaux créer une structure équilibrée qui met en valeur la notion de jeu sur le théâtre et l'illusion.
 
Avec ces trois actes, dont le premier et le dernier sont équilibrés d'un nombre presque égal de scènes, la pièce présente donc une structure symétrique mais l'effet miroir se voit aussi dans l'organisation interne de la pièce. En effet, on trouve quatre tête à tête entre Silvia et Dorante : I,7 ; II,9 ; II,12 ; III,8. On trouve trois scènes entre Lisette et Arlequin : II,3 ; II,5 ; III,6. D'autre part, chacun des deux couples voient un de ses entretiens interrompus. Dorante vient interrompre la déclaration d'amour d'Arlequin à Lisette II,3. Tandis que Mario et Mr. Orgon surprennent Dorante aux genoux de Silvia II,9. Mais si Arlequin est furieux que Dorante l'ait interrompu en brisant son inspiration ("Ah madame, sans lui j'allais vous dire de belle chose"), Silvia de son côté est extrêmement troublée et embarrassée d'avoir été surprise par son père et son frère. L'interruption de ces entretiens amoureux n'a pas les mêmes conséquences pour Silvia et Arlequin. En effet, l'enjeu est différent : Arlequin fait à Lisette une déclaration qu'elle accepte tandis que Silvia s'efforce de repousser la déclaration d'amour de Dorante ("J'ai besoin à tout moment d'oublier que je l'écoute"). L'irruption de son père et de son frère met mal à l'aise Silvia qui ne parvient pas à accepter l'amour qu'elle éprouve pour Dorante. Tandis que l'intervention de Dorante ne révèle rien de nouveau à Arlequin sur ses sentiments. Ce parallélisme n'entraîne pas forcement un parallélisme entre les personnages , mais permet à Marivaux de traiter du rapport entre maître et valet. On peut se demander si le parallélisme de structure nous renseigne sur la position de Marivaux sur la question sociale. Néanmoins, on peut remarquer que Lisette remplace sa maîtresse sans trop de problèmes alors qu'Arlequin n'est qu'une caricature de son maître. D'un côté le valet n'est qu'un imbécile qui singe grossièrement  son maître, de l'autre la servante a gagné le droit de discuter voire de disputer avec sa maîtresse : "Lisette a de l'esprit monsieur,  elle pourrait prendre ma place pour un peu de temps et je prendrai la sienne". D'autre jeux de reflets sont à lire dans la pièce, par exemple Lisette demande à Mr. Orgon l'autorité de se marier III,5 de même pour Arlequin III,1. Chacun sollicite de son  maître l'autorisation de contracter un mariage au dessus de sa condition et chacun des maîtres donnent son accord à la condition que les valets avouent leur véritable identité.
 
En conclusion, la pièce de Marivaux se structure autour de jeux de reflets qui ne sont pas systématiques mais qui témoignent d'une recherche d'équilibre et d'une volonté de questionnement , d'où l'importance du thème de l'apparence mais aussi du thème du mérite personne : "Le mérite vaut bien la naissance" (Dorante) III,8.
 
En définitive, il s'agit pour les quatre personnages principaux ; d'une part d'être aimé pour ceux qu'ils sont et d'autre part voulant voir sans être vu ils finissent par donner aux autres du spectacle.
 
 
 IV- La scène d'exposition
 
COMMENTAIRE
 
Problématique : En quoi cette scène s'articule autour de la notion du mariage ?
 
Cette scène d'exposition présente l'enjeu principal de l'intrigue : le mariage. L'intérêt principal de la scène c'est de présenter les personnages, l'intrigue (c'est à dire l'action) et de définir la tonalité de la pièce (ici comique ; il faut qu'on sache dès la première scène dans quelle tonalité nous sommes). Dans une première partie on s'intéressera à la présentation des personnages puis on développera la question du mariage et enfin on analysera la tonalité comique de la scène.


I- Présentation des personnages


1) Une relation complexe


La scène est à la fois une discussion et une dispute entre deux femmes qui ne sont pas égales. En revanche la discussion les placent sur un pied d'égalité même si cela entre en contradiction avec les idées de sa maîtresse. Silvia a donc admis que Lisette puisse la contredire même si elle s'en plaint (contrairement à Dorante et Arlequin dont les échanges se limitent aux insultes, aux ordres de Dorante et aux jérémiades d'Arlequin). On remarque, parmi les détails qui différencient les deux jeunes femme, l'utilisation du vouvoiement et du tutoiement ; "mais encore une fois de quoi vous mêlez-vous" (Silvia). On remarque que Silvia passe du vouvoiement à la troisième personne "si elle oserait, elle rappellerait une originale". Enfin, elle passe au tutoiement "que tu es folle avec tes expressions". Ces glissement dans l'énonciation peuvent être la marque d'une supériorité sociale ou au contraire une forme de complicité. La relation entre Silvia et Lisette est donc complexe, sans être amies on les sens tout de même proche, suffisamment pour que Lisette puisse se substituer à sa maîtresse. En effet, la première réplique nous informe que Lisette a parler à la place de Silvia au sujet du mariage. De ce fait Lisette est une sorte d'intermédiaire entre le père et la fille et qui parle au non de Silvia. Sa liberté de ton la rende presque impertinente. Elle n'hésite pas à interpeller sa maîtresse, a donner des avis péremptoire (avis arrêtés et qu'on dit sans réfléchir) : "moi je lui répond que oui", "de quoi le votre s'avise-t-il de n'être fait comme celui de personne", "le non n'est pas naturel", "voilà une pensée bien hétéroclite".


2) Contestation sociale ?


Dès la première scène de la pièce la problématique social entre maître et serviteur est posée. On a vu que Lisette et Silvia avaient une relation complexe qui excède la relation maître/serviteur. Néanmoins Lisette montre une volonté peut être inconsciente d'avoir le même statut social que Silvia. La première réplique de Silvia nous indique que la servante a parlé à Mr. Orgon à la place de Silvia, elle a pris la voix de sa maîtresse en répondant pour elle au sujet du mariage. De plus, Lisette ose aussi se comparer à sa maîtresse : "si j'étais votre égale nous verrions". L'utilisation du mode conditionnelle montre que Lisette se rend compte de la différence du statut social mais désire peut être inconsciemment accéder à une classe supérieure. Il faut aussi noter qu'il s'agit d'une scène de dispute, Lisette et Silvia s'affrontent au sujet du mariage et ne sont pas d'accord. Pourtant le but de Lisette n'est pas de contredire sa maîtresse, au contraire, elle se soucie de son sort "vous travaillez à me fâcher Lisette/ ce n'est pas mon dessein ; mais dans le fond quel mal ai-je fait de dire à Monsieur Orgon que vous étiez bien aise d'être mariée". Dans cette scène qui ouvre la pièce nous découvrons un couple traditionnel de la comédie : la maîtresse et la servante. Cependant la proximité des deux femmes fait que Lisette n'a plus rien grand chose à voir avec la soubrette traditionnelle. La preuve, Silvia et elle parlent de mariage et de sentiments.


II- La question du mariage


1) Le mariage
 


La scène commence in medias res. La conjonction de coordination "mais" qui exprime l'opposition nous indique que Silvia n'est pas d'accord avec quelque chose qui vient de se passer. Cette scène d'affrontement tourne autour d'une thématique sentimentale et d'une discussion sur le mariage. Il s'agit d'un thème traditionnel de la comédie classique mais qui est ici renouvelé car le père de Silvia souhaite ce mariage sans l'imposer. On s'éloigne ainsi du mariage forcé des comédies de Molière : « Monsieur votre père me demande si vous êtes bien aise qu'il vous marie si vous en avez quelque joie ». Dans cette pièce, l'objet de la dispute en Silvia et Lisette est à propos du mariage, nous voyons deux positions différentes, deux conceptions qui s'opposent. Lisette souhaite le mariage parce que c'est une plus-value, avec peut être la possibilité de peut être changer de classe sociale. On peut voir à travers le portrait qu'elle fait de Dorante, portrait mélioratif qui correspond à l'idéal de l'honnête homme du XVIIe siècle (c'est la vision de l'homme parfait intellectuellement et moralement parlant) « aimable, bien fait [...] sociable et spirituel [...] Tout sera bon dans cet homme là ». Au contraire, Silvia refuse l'idée du mariage et revendique son célibat ; « je ne m'ennuie pas d'être fille » (=célibataire. On la montre dans la mise en scène avec un nounours, objet la représentant toujours dans l'enfance). Silvia a peur que son mari ne soit pas conforme à l'image qu'il donne en public. Cette partie du texte qui correspond à la fin de la scène nous propose trois portraits péjoratifs qui nous montre des hommes qui dissimulent leur mauvaise nature. Silvia utilise un discours argumentatif avec une th-se qui est que les hommes se contre-font illustré par trois exemples : Ergaste, Leandre et Tersandre. Ce discours semble convaincre Lisette qui intervient deux fois avec une exclamative et une interrogative qui montrent sa participation "Quel fantasque avec ces deux visages !" "Je gèle au récit que vous m'en faîtes ; mais Tersandre, par exemple ?". Ainsi ce discours présente Silvia comme une jeune femme inexpérimentée qui redoute l'amour. Néanmoins ce passage traite une question sérieuse sur le mode comique. Premièrement le discours argumentatif de Silvia se présente comme une satire (critique moqueuse) qui caricature l'homme marié qui fait des efforts pour la société mais pas pour sa famille..



2) La tonalité comique


Cependant la majorité de la tonalité comique de la scène se concentre autour du personnage de Lisette. Elle représente le bon sens populaire avec le lexique qui va avec, "vertuchoux", juron qui possède une tonalité comique et qui souligne le caractère spontané de Lisette tout en la désignant comme une servante. Tout au long de la scène Lisette fait preuve d'une légèreté de ton qui suppose une certaine aisance dans le discours et une certaine complicité avec sa maîtresse. Enfin, la servante montre plusieurs fois un véritable sens de la répartie ; exemple : "Oh, il a tord d'être fat ; mais il a raison d'être beau", "on ajoute qu'il est bien fait [...] Oui-da, cela est pardonnable". Lisette se montre ironique à l'encontre de Silvia. "Oui-da" renvoie à sa condition de servante. Pour le reste de la scène le comique nait aussi du duo que Lisette forme avec sa maîtresse. Leur désaccord fini par déboucher sur une note comique : en effet, Lisette semble convaincue par l'argumentation de sa maîtresse et par les portraits satiriques qui l'illustre. Mais la scène se termine par une chute comique puisque le simple mot "mari" fait à nouveau changer d'avis Lisette et ruine totalement le beau discours de Silvia.
 
Conclusion :
Cette scène d'exposition dessine une relation entre une jeune femme inexpérimentée et inquiète et sa servante qui cherche à la guider en amour. Cela permet d'entrer directement dans l'action autour de la question du mariage de Silvia. Dans la scène suivante Silvia propose à son père de se travestir pour mieux observer Dorante. Mais ce thème du déguisement est déjà présent dans la scène 1 puisque Silvia reproche aux hommes de porter un masque et que Lisette montre déjà un désir plus ou moins conscient de prendre la place de sa maîtresse. C'est donc une scène qui remplis parfaitement sa fonction d'exposition et qui montre l'originalité du théâtre de Marivaux s'inspirant à la fois du théâtre italien et de la comédie molièresque. Ainsi chez Molière l'amour préexiste à la pièce et rencontre des obstacles souvent incarné par le père. Ici l'amour survient pendant la pièce et surprend les personnages. Les obstacles ne sont au final qu'intérieurs et seront résolu par des choix moraux fort (Dorante acceptant de se marier avec une servante).

 
 
 
 
 
 
 
 
TEXTE :
ACTE PREMIER SCÈNE PREMIÈRE
SILVIA, LISETTE.
 

SILVIA
Mais encore une fois, de quoi vous mêlez-vous, pourquoi répondre de mes sentiments ?

LISETTE
C'est que j'ai cru que dans cette occasion-ci, vos sentiments ressembleraient à ceux de tout le monde ; Monsieur votre père me demande si vous êtes bien aise qu'il vous marie, si vous en avez quelque joie ; moi je lui réponds qu'oui ; cela va tout de suite ; et il n'y a peut-être que vous de fille au monde, pour qui ce oui-là ne soit pas vrai, le non n'est pas naturel.

SILVIA
Le non n'est pas naturel ; quelle sotte naïveté ! Le mariage aurait donc de grands charmes pour vous ?

LISETTE
Eh bien, c'est encore oui, par exemple.

SILVIA
Taisez-vous, allez répondre vos impertinences ailleurs, et sachez que ce n'est pas à vous à juger de mon coeur par le vôtre.

LISETTE
Mon coeur est fait comme celui de tout le monde ; de quoi le vôtre s'avise-t-il de n'être fait comme celui de personne ?
 
SILVIA
Je vous dis que si elle osait, elle m'appellerait une originale.
 
LISETTE
Si j'étais votre égale, nous verrions.
 
SILVIA
Vous travaillez à me fâcher, Lisette.
 
LISETTE
Ce n'est pas mon dessein ; mais dans le fond voyons, quel mal ai-je fait de dire à Monsieur Orgon, que vous étiez bien aise d'être mariée ?
 
SILVIA
Premièrement, c'est que tu n'as pas dit vrai, je ne m'ennuie pas d'être fille.

LISETTE
Cela est encore tout neuf.
 
SILVIA
C'est qu'il n'est pas nécessaire que mon père croie me faire tant de plaisir en me mariant, parce que cela le fait agir avec une confiance qui ne servira peut-être de rien.
 
LISETTE
Quoi, vous n'épouserez pas celui qu'il vous destine ?
 
SILVIA
Que sais-je ? Peut-être ne me conviendra-t-il point, et cela m'inquiète.

LISETTE
On dit que votre futur est un des plus honnêtes du monde, qu'il est bien fait, aimable, de bonne mine, qu'on ne peut pas avoir plus d'esprit, qu'on ne saurait être d'un meilleur caractère ; que voulez-vous de plus ? Peut-on se figurer de mariage plus doux ? D'union plus délicieuse ?
 


SILVIA
Délicieuse ! Que tu es folle avec tes expressions !

LISETTE
Ma foi, Madame, c'est qu'il est heureux qu'un amant de cette espèce-là, veuille se marier dans les formes ; il n'y a presque point de fille, s'il lui faisait la cour, qui ne fût en danger de l'épouser sans cérémonie ; aimable, bien fait, voilà de quoi vivre pour l'amour, sociable et spirituel, voilà pour l'entretien de la société : pardi, tout en sera bon dans cet homme-là, l'utile et l'agréable, tout s'y trouve.

SILVIA
Oui dans le portrait que tu en fais, et on dit qu'il y ressemble, mais c'est un, on dit, et je pourrais bien n'être pas de ce sentiment-là, moi ; il est bel homme, dit-on, et c'est presque tant pis.

LISETTE
Tant pis, tant pis, mais voilà une pensée bien hétéroclite !

SILVIA
C'est une pensée de très bon sens ; volontiers un bel homme est fat, je l'ai remarqué.

LISETTE
Oh, il a tort d'être fat ; mais il a raison d'être beau.

SILVIA
On ajoute qu'il est bien fait ; passe.

LISETTE
Oui-da, cela est pardonnable.
 
SILVIA
De beauté, et de bonne mine je l'en dispense, ce sont là des agréments superflus.

LISETTE
Vertuchoux ! si je me marie jamais, ce superflu-là sera mon nécessaire.

SILVIA
Tu ne sais ce que tu dis ; dans le mariage, on a plus souvent affaire à l'homme raisonnable, qu'à l'aimable homme : en un mot, je ne lui demande qu'un bon caractère, et cela est plus difficile à trouver qu'on ne pense ; on loue beaucoup le sien, mais qui est-ce qui a vécu avec lui ? Les hommes ne se contrefont-ils pas ? Surtout quand ils ont de l'esprit, n'en ai-je pas vu moi, qui paraissaient, avec leurs amis, les meilleures gens du monde ? C'est la douceur, la raison, l'enjouement même, il n'y a pas jusqu'à leur physionomie qui ne soit garante de toutes les bonnes qualités qu'on leur trouve. Monsieur un tel a l'air d'un galant homme, d'un homme bien raisonnable, disait-on tous les jours d'Ergaste : aussi l'est-il, répondait-on, je l'ai répondu moi-même, sa physionomie ne vous ment pas d'un mot ; oui, fiez-vous-y à cette physionomie si douce, si prévenante, qui disparaît un quart d'heure après pour faire place à un visage sombre, brutal, farouche qui devient l'effroi de toute une maison. Ergaste s'est marié, sa femme, ses enfants, son domestique ne lui connaissent encore que ce visage-là, pendant qu'il promène partout ailleurs cette physionomie si aimable que nous lui voyons, et qui n'est qu'un masque qu'il prend au sortir de chez lui.
 
LISETTE
Quel fantasque avec ces deux visages !

SILVIA
N'est-on pas content de Léandre quand on le voit ? Eh bien chez lui, c'est un homme qui ne dit mot, qui ne rit, ni qui ne gronde ; c'est une âme glacée, solitaire, inaccessible ; sa femme ne la connaît point, n'a point de commerce avec elle, elle n'est mariée qu'avec une figure qui sort d'un cabinet, qui vient à table, et qui fait expirer de langueur, de froid et d'ennui tout ce qui l'environne ; n'est-ce pas là un mari bien amusant ?

LISETTE
Je gèle au récit que vous m'en faites ; mais Tersandre, par exemple ?

SILVIA
Oui, Tersandre ! Il venait l'autre jour de s'emporter contre sa femme, j'arrive, on m'annonce, je vois un homme qui vient à moi les bras ouverts, d'un air serein, dégagé, vous auriez dit qu'il sortait de la conversation la plus badine ; sa bouche et ses yeux riaient encore ; le fourbe ! Voilà ce que c'est que les hommes, qui est-ce qui croit que sa femme est à lui ? Je la trouvai toute abattue, le teint plombé, avec des yeux qui venaient de pleurer, je la trouvai, comme je serai peut-être, voilà mon portrait à venir, je vais du moins risquer d'en être une copie ; elle me fit pitié, Lisette : si j'allais te faire pitié aussi  : cela est terrible, qu'en dis-tu ? Songe à ce que c'est qu'un mari.
 
LISETTE
Un mari ? C'est un mari ; vous ne deviez pas finir par ce mot-là, il me raccommode avec tout le reste.

Tags : Français
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#Posté le mardi 13 mars 2012 16:32

Modifié le vendredi 15 mars 2013 12:57

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